Dans un monde frappé par la complexité, la transformation n’est plus un choix, c’est une nécessité qui suppose méthode, pilotage et convictions… Nicolas Recapet, Group Executive VP – HR, CSR & Transformation pour Talan et Gwénaël Rigolé, fondateur d’Actinuum, partagent leur vision du rôle de manager transformant.
Dans un monde complexe, manager la transformation n’est plus une nécessité, c’est un art. Quelles sont les qualités essentielles d’un manager transformant à vos yeux ?
NR : Manager la transformation est un art exigeant qui justifie que l’on attende du manager qu’il soit aussi un leader. Le leader est porteur de sens. Il est fédérateur. Or, la transformation n’est possible que lorsque l’on est en mesure de susciter l’adhésion au changement. Le manager doit être convaincu de l’intérêt de sa démarche et doit avoir la capacité à communiquer cette conviction autant que son énergie. Il doit être doté d’une grande faculté d’écoute et d’un grand courage car le manager transformant doit avoir la force de changer d’avis, d’approche, de méthode. Il doit moduler sa position en fonction des interactions qu’il a avec son équipe. Enfin, je crois que l’exemplarité est une autre qualité essentielle autant que l’intérêt pour les technologies qui sont un levier au service de la transformation.
GR : La transformation dont il est question avec le manager transformant, s’entend plutôt au sens de la transformation d’un essai au rugby. Communication impactante, force de conviction, agilité… Le manager transformant doit encourager l’outre-passement des fonctions individuelles au profit de l’équipe. Ainsi, comme sur un terrain sportif, il doit accepter de sortir du plan au bénéfice de la stratégie globale lorsqu’une opportunité peut être saisie par l’un des joueurs. Peu importe qu’il soit ailier ou trois-quarts centre, s’il peut perforer la défense adverse, toute l’équipe s’adapte et avance vers l’embu car le manager a suffisamment confiance en son équipe pour accepter que la décision prise à chaud, dans le feu de l’action sera au bénéfice de l’enjeu. La transformation que porte le manager transformant revient à mettre un point final sur la réussite !
Entre posture, état d’esprit et méthode, quelle est votre recette secrète pour rendre la transformation non seulement acceptable, mais désirable ?
NR : Si seulement, il existait une recette unique ! Ce n’est pas le cas. La transformation est par essence anxiogène. À mon sens, l’antidote c’est la transparence. Le manager transformant ne doit nier ni les difficultés, ni les embûches, ni les contraintes… En restant transparent sur les impacts de la transformation, il instaure un climat de confiance. L’objectivité et la sincérité me semblent être des valeurs cardinales. Face à une transformation, vous trouverez toujours des promoteurs et des contradicteurs. Cette contradiction est, d’une certaine façon nécessaire, car elle permet, elle aussi d’avancer. Certains ne seront jamais convaincus par le projet de transformation, sauf peut-être quand elle sera accomplie. Le manager doit accepter cette réalité et identifier très vite ceux sur lesquels il pourra s’appuyer ou non, mais surtout quand ! Certains contradicteurs pourront basculer et deviendront alors les meilleurs ambassadeurs de la transformation. La force du manager transformant consiste à cerner chaque profil et adopter la posture adaptée en fonction de chacun d’eux.
GR : Sur le terrain de la transformation, il y a les joueurs qui font gagner des mètres parce qu’ils éclairent. Ce sont les demis, les centres et les trois quarts. Il y a également les 1ere, 2eme et 3ème ligne qui font avancer le jeu centimètre par centimètre. Il y a enfin les ailiers qui sont les accélérateurs du changement. Tous ces talents, par leurs forces et leurs différences, mettent en œuvre le plan de transformation sur le temps prévu. Le manager est dans l’analyse du jeu en continu, il compose avec les ambassadeurs, les promoteurs et les contradicteurs. Le manager doit pouvoir comprendre, accepter et prendre en compte, le rythme de chaque membre de son équipe.
Pour transformer, il faut piloter et pour piloter, il faut mesurer. Sur quels indicateurs, aimez-vous vous appuyer pour manager la transformation ?
NR : Pour transformer, il faut mesurer car la transformation exige du factuel, du tangible. Succès ou échec, les effets de la transformation doivent être mesurés. J’aimerais pouvoir dresser une liste d’indicateurs idéale et réplicable à chaque projet. Mais cette liste n’existe pas ! Chaque transformation implique ses propres indicateurs. J’ai pour habitude, au début d’un projet de réunir les équipes. Ensemble, nous essayons de répondre à une question : « la transformation sera une réussite, si… ». Ainsi, nous définissons les critères qui nous permettrons de dire, à l’issue de notre travail, que nous avons réussi et dans quelle mesure nous avons réussi.
GR : Pour compléter la réponse de Nicolas, je dirais qu’il aussi essayer de répondre à une autre question non moins structurante : « la transformation sera un échec, si… ». La notion d’échec ainsi abordée, permet de définir les embûches à éviter. Quand la question de Nicolas a vocation à définir un guide sur le chemin de la transformation, s’interroger sur les conditions de l’échec permet de ne pas s’en écarter. L’ambition : déclencher une logique d’action et de prévention des risques pour disposer toujours de plans de secours. Je pense moi aussi qu’il faut pouvoir appuyer la transformation sur des indicateurs, mais attention à ne pas les multiplier. L’idéal consiste à ne pas dépasser 3 à 5 indicateurs, faciles à calculer, et surtout très intelligibles pour garantir l’indispensable transparence nécessaire à la transformation. Si les indicateurs sont là pour acter une réussite ou un échec, ils sont également présents pour acter un état d’avancement. C’est ce que l’on appelle les indicateurs SMART (specific, measurable, achievable, relevant and time-bound, en français spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporellement défini).
Dans transformer, il y a « former ». Quelles sont les compétences essentielles à acquérir pour devenir un manager transformant ?
NR : J’évoquais parmi les qualités essentielles du manager transformant, la capacité à communiquer. Celle-ci se travaille. Être clair, concis, impactant dans son discours, cela s’appuie sur une technicité qui s’acquiert. Je crois également beaucoup dans l’approche systémique de la transformation. Être en mesure de représenter des organisations complexes de manière simple, identifier, cartographier et illustrer les interactions humaines, ce sont des compétences qui se développent par la formation. Je crois enfin qu’un manager qui sait transformer, sait d’abord s’entourer. Certaines formations ont vocation à faire prendre conscience de l’équipe, de la confiance dans l’équipe, de la diversité dans l’équipe. À titre d’exemple, nous avons organisé une « learning expedition » qui fait le parallèle entre le guide de haute montagne et le leader. Cette mise en déséquilibre volontaire amène à réfléchir à la façon dont on doit travailler en collectif. Ces expériences situationnelles permettent d’avancer sur cette mise en abîme qui se cache derrière chaque projet de transformation…
GR : J’adhère parfaitement à la notion d’approche systémique et j’irais même jusqu’à évoquer une approche organique de la transformation car elle affecte l’humain. A l’instar de le learning expedition chère à Nicolas, je pense moi aussi que la formation doit se faire sur le terrain, en continu. Dans ce contexte, je crois beaucoup à la pédagogie PEPS (Préparation, Entraînement, Performance, Succès), qui permet non seulement de multiplier les compétences mais aussi de la approfondir en permanence …