0
Retour aux articles

[Regards Croisés] Manager dans l’ère de l’IA : des compétences clés et des stratégies pour bâtir les succès

16 avril 2024

Enseignant-chercheur HDR à l’ICD BS, chercheur associé à la chaire ESSEC de l’Innovation Managériale et de l’Excellence Opérationnelle, Romain Zerbib est également directeur de publication pour Management & Datascience qui analyse l’impact du big data et de la transformation digitale sur le management. Il partage sa vision de la transformation du Management avec Gwénaël Rigolé. 

Comment décririez-vous l’impact de la transformation digitale et du développement de l’IA, sur les pratiques et les missions du manager ?

RZ : La question soulevée est relativement complexe dans la mesure où il est difficile de cerner des limites précises. Ce dont nous sommes sûrs, en revanche, c’est que le champ de compétence que doit aujourd’hui couvrir un manager est chaque jour un peu plus large, de nouvelles exigences s’ajoutent aux classiques. Par exemple, au-delà de la gestion d’équipe et du développement stratégique, les managers doivent désormais prendre en compte les outils d’analyse de données avancés et comprendre les principes de base de l’intelligence artificielle pour optimiser les opérations et la prise de décision. De plus, il est crucial qu’ils comprennent l’impact de la transformation numérique et de l’IA sur les métiers, les processus et les dynamiques concurrentielles. L’environnement incertain impose aux managers de développer des compétences nouvelles, tant sur le plan technique, que comportemental. Ils doivent par exemple être capables de gérer les répercussions émotionnelles et organisationnelles liées à l’automatisation des tâches et à l’implémentation de nouveaux systèmes technologiques. Et cette dynamique s’intensifie notablement avec l’essor de l’IA. Les managers doivent autrement dit s’adapter à un paysage en redéfinition constante, où les méthodes traditionnelles ne suffisent plus. Ils sont appelés à innover en continu, en intégrant des approches agiles et en favorisant une culture de l’apprentissage continu au sein de leurs équipes.

 

GR : Autrefois, le manager avait une ambition : satisfaire à sa mission de gestion d’équipe. Aujourd’hui, parce qu’il a accès à une multitude d’informations, qu’il peut s’appuyer sur une connaissance de son environnement et du monde, presque sans limite, il doit faire preuve d’une faculté d’analyse unique. Grâce à l’intelligence artificielle, l’action du manager peut être augmentée. Sa compréhension des enjeux, sa maîtrise des données, lui permettent de solliciter l’IA pour disposer d’une curation de données ultraciblées pour exprimer cette faculté d’analyse. La complexité et l’exigence dans lesquelles gravite le manager aujourd’hui lui ouvrent également un très vaste champ d’opportunités. 

 

Les managers sont-ils à vos yeux suffisamment armés pour faire face à l’ensemble des transformations qui affectent les entreprises ? 

RZ : L’IA ne se déploie pas dans le vide. Elle doit être alignée avec une stratégie, s’intégrer harmonieusement avec les process internes, sans compter les questions techniques et réglementaires induites par une telle transformation. Lorsque la prise de conscience est collective et que l’organisation s’engage dans un effort d’acculturation et de développement des compétences, les managers sont tout à fait outillés pour accompagner et faciliter une telle transition. En revanche, entreprendre un changement en solitaire au sein d’une organisation ancrée dans l’inertie relève quasiment de l’impossible. La trajectoire d’un manager dépend en effet étroitement du contexte organisationnel dans lequel il opère. Il a besoin d’évoluer au sein d’environnements en mouvement pour développer et mettre à profit ses compétences. Mieux vaut à cet égard éviter les organisations enkystées dans des pratiques désuètes, en décalage avec les exigences du marché.

 

GR : Je partage pleinement la vision de Romain sur le nécessaire alignement de l’IA avec les stratégies des entreprises. Pour que le manager soit acteur des transformations, il doit pouvoir s’appuyer sur des capacités d’observation, de compréhension, d’analyse de ces changements. Mais il doit aussi être en mesure d’intégrer la raison d’être de l’entreprise et ses missions. Étudier le terrain d’action de l’organisation, évaluer les opportunités, réfléchir aux forces de l’équipe pour exploiter ces opportunités, systématiser le recours à la data et concaténer l’information pour en tirer tout le potentiel… Autant d’éléments essentiels pour lui permettre d’exprimer son courage managérial. Un courage qui trouve son origine dans les 8 blocs de compétences essentiels identifiés par Actinuum : avoir conscience de ses talents et de ceux des autres, arriver à motiver et influencer via un leadership positif, développer l’intelligence collective autour des opportunités comme des facteurs de risque, définir des pistes d’action performantes, initier le changement en construisant des stratégies, exploiter les meilleurs outils pour piloter la performance… Le manager est amené à agir sur différents leviers au service d’un continuum : vision, mission et opérations. Il me semble que les managers ne doivent surtout pas redouter les changements induits par le développement de l’IA. Une nouvelle page s’écrit et elle est riche de promesses incroyables qui reposent sur la puissance décisionnelle du manager. 

Quelles sont, à vos yeux, les compétences essentielles dont le manager doit se prévaloir pour absorber le cortège de transformations lié à l’adoption de l’IA ? 

RZ : La déferlante de l’IA a considérablement accru les exigences qui pèsent sur les épaules des managers. Ils sont désormais confrontés au double défi de comprendre les enjeux liés à la numérisation de leur secteur, et de maîtriser ses répercussions éthiques, organisationnelles et stratégiques. Cela exige non seulement une expertise technique pour gérer l’automatisation, mais aussi la capacité de diriger des équipes multi-métiers, tout en restant agiles et créatifs. Ça fait beaucoup !

Un manager doit en effet évaluer et gérer divers projets de transformation, en tenant compte de leurs effets à long terme. Son rôle s’apparente en conséquence à celui d’un stratège politique, capable de favoriser des changements dont les avantages peuvent être indirects et prendre un certain temps avant de se manifester. Il doit ainsi adopter des stratégies axées sur des petites victoires, se concentrer sur des projets spécifiques pouvant servir de vitrines positives et rassurantes. Un manager doit autrement dit jongler entre les urgences actuelles et les enjeux futurs, sans omettre les défis éthiques et écologiques. C’est un véritable travail d’équilibriste !

 

GR : Une équilibriste, c’est certain. Mais, c’est aussi et surtout un stratège politique ! Politique dans la mesure où le manager doit également incarner un rôle de communiquant. Cette communication lui permet de fédérer autour de lui les meilleures compétences et les meilleurs talents. Cette réalité est au cœur de nos convictions essentielles : People, Project, Planet. Le manager peut maximiser son impact humain, sociétal, environnemental en se saisissant notamment des outils digitaux. Toutes les compétences que nous visons à développer chez le manager visent à lui permettre de cerner ses objectifs, à influencer ses équipes en leur donnant envie, en suscitant du sens et de l’intérêt. Le manager doit avant tout être une source d’inspiration et de motivation. C’est ainsi qu’il peut être garant de la performance délivrée et de la valeur attendue. 

Question subsidiaire : succès, échecs, qu’est-ce qui dans votre parcours vous a permis de vous forger l’ensemble des convictions que vous venez de nous partager ?

RZ : En tant que directeur de la publication de Management & Data Science, j’ai la chance de pouvoir observer et analyser les différentes approches menées par les entreprises en matière de transformation numérique et d’intégration de l’intelligence artificielle. Cette perspective enrichit la manière dont j’appréhende les tendances actuelles et permet de renforcer la pertinence des formations que je dispense. Notre principale mission en tant que professeur est en effet de garantir que nos étudiants soient parfaitement employables. Cela exige de notre part une attention constante vis-à-vis des évolutions complexes de l’environnement et des organisations. Je suis à cet égard fermement convaincu que les sciences humaines et sociales ont un rôle crucial à jouer, et continueront d’être essentielles, dans le cadre de cette vaste transformation numérique.

 

GR : La formation initiale est au cœur de tous les changements que nous vivons. La compétence est un parcours qui se construit, une histoire qui s’écrit. Le rôle d’un acteur comme Actinuum s’inscrit dans un long processus d’acquisition de compétences. La qualité, la pertinence, la solidité de la formation initiale conditionne la capacité à agréger des compétences tout au long de l’existence. La formation initiale est essentielle car elle fonde la prise de connaissance. Une connaissance indispensable pour développer la compétence sur le terrain. Cette posture d’écoute, de veille que décrit Romain pour adapter ses enseignements, nous la partageons pleinement chez Actinuum. Même si nous adressons des publics à des stades de maturité différents, nous devons sans cesse remettre en question nos méthodes pédagogiques. Observation, veille, prospective, c’est le cœur de notre méthode. Alors que nous traversons une ère digitale, les sciences humaines n’ont jamais été aussi centrales. L’IA et les soft skills avancent de concert et ne peuvent pas être opposées et le nombre de mastères et de formations qui repose sur ce mix en témoignent très clairement. 

⚡ Votre navigateur est obslète ! ⚡

Mettez-le à jour pour voir ce site correctement.

Mettre à jour