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[Regards Croisés] La place des soft skills dans les processus de recrutement !

28 avril 2023

Le soft skills. Effet de mode ou levier de performance dans l’entreprise ? Nouveauté managériale ou pratique ancestrale ? Joël Evrard, Directeur d’exploitation pour Oxygène Intérim (Groupe du sud-ouest de la France, qui fait travailler en moyenne 1200 collaborateurs intérimaires par jour) et Gwénaël Rigolé, fondateur d’Actinuum, confrontent leurs convictions.

Joël EVRARD

Quelle lecture faites-vous de la place qu’occupent globalement les soft skills dans le monde de l’entreprise ?

JE : Les Soft skills ont toujours existé. Quand je me transpose dans le monde d’hier et d’avant-hier, les bâtisseurs de cathédrales avaient besoin de construire avec leurs équipes et leurs élèves une relation qui faisait que les soft skills étaient aussi importants qu’aujourd’hui ! Les maîtres compagnons d’autrefois et les artisans d’aujourd’hui font face aux mêmes questionnements. Le taylorisme et le Fordisme ont voulu imposer, par une organisation centrale, une garantie de productivité. Mais le modèle a vite atteint ses limites. Entre hier et aujourd’hui, la quête du sens au travail a émergé, le salarié a manifesté sa singularité et les entreprises ont dû se réinventer. Le Covid a fait émerger de nouvelles organisations pour lesquelles les soft skills sont plus indispensables que jamais, mais leur intégration dans le monde du travail  est malgré tout un phénomène ancien !

GR : Les soft skills sont un terme à la mode mais effectivement, elles font appel à des notions que l’on a connues de tous temps. Le fil rouge, c’est la recherche d’efficacité, de coordination et donc de communication. C’est une façon de transmettre le savoir d’une personne à l’autre. Les softs skills aujourd’hui dans les entreprises c’est surtout un levier d’activation des talents. Les reconnaître, les identifier, les motiver, communiquer avec eux et in fine, de recevoir de l’information de leur part. S’intéresser aux soft skills, c’est aussi être plus alerte sur les facteurs de stress, de démotivation des collaborateurs. En fait, les soft skills n’ont rien de nouveau, mais elles sont plus importantes que jamais.

JE : Pour compléter la vision de Gwénaël, je soulignerais également que l’émergence de l’Intelligence artificielle, rend les compétences techniques assez faciles à identifier. Si elles ne sont pas tout à fait présentes, on peut les combler facilement. Dès lors, l’édification des équipes se fonde principalement sur les compétences comportementales. 

GR : La digitalisation et l’accès à l’information créent une rupture par rapport à la notion de savoirs. Les ordinateurs sont capables de traiter ces informations et de les automatiser. Cela permet de recentrer la valeur ajoutée sur l’humain et sur la complexité humaine. Les soft skills répondent à un besoin-clé : remettre l’accent sur l’humain, son intelligence, son modèle cérébral, etc.

Quelles sont, à vos yeux, les soft skills indispensables à réunir au sein d’une équipe dans une entreprise ?

JE : Il est toujours extrêmement complexe de répondre à cette question de façon précise. Il faut à mon sens distinguer les soft skills des managers (enthousiastes, empathiques, porte-drapeau de l’entreprise), de celles des commerciaux qui doivent se prévaloir de ces qualités mais aussi d’une force intérieure d’autonomie qui leur permette d’affronter leurs défis du quotidien. Les chargés de recrutement ont besoin, eux aussi, d’avoir de l’empathie, de la curiosité et même le courage de poser des questions qui peuvent être dérangeantes. Chaque fonction a un faisceau de soft skills qui lui est propre. 

GR : Je pense comme Joël qu’il n’y a pas de grille de soft skills prédéfinie. On n’attend évidemment pas d’un sous-marinier qui vit pendant des mois dans un espace confiné, les mêmes compétences comportementales qu’un marketeur par nature plus créatif.  

Comment évaluez-vous les soft skills de vos interlocuteurs ? Par quels biais parvenez-vous à les identifier ?

JE : C’est un exercice subjectif ! Heureusement plus personne ne travaille en solitaire, y compris dans les phases de recrutement. Pour tenter d’identifier les soft skills d’un talent, nous procédons de manière collective, en confrontant nos ressentis. Dans tous les cas, il faut confronter les informations que l’on tire d’un CV et l’impression personnelle qui se dégage de la rencontre. Il ne faut donc pas négliger le rôle du recruteur à créer un climat propice à identifier, évaluer, comprendre qui est l’autre et de se demander vers quoi on peut aller. Pour y parvenir, il faut commencer par être sincère : bien expliquer le poste, de quoi il s’agit, quel est l’environnement, ses contraintes… Nous veillons également à imaginer des tableaux de comportement ou de situations pour tenter de comprendre ses réactions en cas d’échec, de difficultés. Il faut aussi être en mesure de se projeter dans le temps. Les soft skills d’aujourd’hui perdureront-elles dans le temps, comment risquent-elles d’évoluer ? Vous l’aurez compris, l’exercice est difficile… et exigeant !

GR : Analyser le CV, regarder la cohérence des expériences, la stabilité du collaborateur, etc. On peut déjà en déduire beaucoup de choses de l’analyse d’éléments factuels ! Mais le questionnement doit dépasser notre appréhension du CV. L’entretien professionnel, c’est aller à la rencontre d’une personne, jauger sa sincérité, ses aspirations. Si je rejoins parfaitement Joël sur son approche méthodologique, je pense que l’on peut également miser sur des tests de personnalité afin de challenger le candidat sur son savoir-faire et son savoir-être.Il existe aussi des assessements qui contribuent à l’évaluation des compétences en situation. Une chose est sûre : cela prend du temps. Il faut alors placer le curseur entre l’allongement du processus de recrutement et le gain de l’identification fine des bonnes soft skills. 

SoftskillsAgile

 

Recruteurs, formateurs, candidats et collaborateurs. Existe-t-il des soft skills spécifiques pour chacun de ces profils et comment les combiner au profit des organisations ?

JE : En tant qu’acteur du recrutement, nous sommes les premiers leviers d’identification de soft skills chez nos collaborateurs. C’est à nous de générer ce dont l’entreprise et l’équipe a besoin. C’est un travail quotidien de savoir générer l’enthousiasme, le sérieux, la rigueur, ou l’envie de travailler ensemble. Il faut être capable chaque lundi, de remettre en route l’ensemble des compétences comportementales des collaborateurs. L’enthousiasme est un élément très important dans notre activité quel que soit le sujet. C’est toujours au manager d’insuffler cet enthousiasme. Si lui n’a pas l’envie, c’est à ce moment-là que les questionnements sur le « que fais-je ici et pour combien de temps ? », arrivent très vite et souvent les réponses sont mauvaises pour les entreprises.

GR : Absolument ! La question est : quelle expérience veut-on faire vivre à nos collaborateurs ? Il faut savoir doser, donner un cadre de confiance, porter une ambition, être un éclaireur, porter les gens vers une forme de créativité ou de risques maîtrisés. Les soft skills permettent l’lémergence d’un cadre de référence au sein duquel les collaborateurs doivent s’inscrire et s’épanouir. Il faut revenir à des notions simples de plaisir, de bonne humeur, de respect des uns des autres. 

JE : Les soft skills sont presque de l’anti-technicité. Nous devons cerner au mieux toute la palette des collaborateurs qui nous entourent, comprendre leurs moteurs, mais surtout servir leurs besoins et les impliquer dans l’atteinte d’objectifs communs. J’évoquais précédemment la notion de sincérité. Je pense que son corollaire immédiat, la transparence est également indispensable pour que les soft skills puissent se révéler, s’épanouir et de se développer.

GR : L’entreprise, c’est une union professionnelle, la personne doit pouvoir se réaliser mais l’entreprise doit pouvoir en bénéficier et réaliser ses objectifs. Avec les soft skills, il est plus facile d’en appeler à l’intelligence collective. Il ne faut jamais construire les fondements de l’équipe uniquement sur l’objectif car, si ce dernier est compromis, l’équipe explose. Le vrai moteur, c’est bien la combinaisondes soft skills au service d’un objectif commun !

 

Créer l’émulsion au sein des équipes, favoriser l’émergence de véritables synergies, composer un cadre de confiance propice à l’épanouissement de chacun… Les soft skills occupent depuis toujours et pour longtemps, une place centrale dans l’efficacité des collectifs. Si les appellations techniques et les concepts passent, les compétences restent ! Lorsque les soft skills seront passées de mode, l’intelligence situationnelle, l’empathie, l’écoute, la compréhension et le désir d’avancer ensemble persisteront ! Et c’est tant mieux…

 

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