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[Regards Croisés] Management & sport collectif : jusqu’où pousser la métaphore ? 

24 mars 2023

Joueur de rugby pendant plus de 30 ans, Grégory Malherbe s’est forgé une conviction : le management est un sport collectif. C’est d’ailleurs le titre de son ouvrage paru aux éditions Gereso. « Il m’est arrivé de me retrouver sur le terrain avec un coéquipier qui était l’un des salariés d’une entreprise que je dirigeais. Comment avoir un comportement différent sur le gazon d’un stade et dans l’entreprise ? C’est à partir de ce questionnement que j’ai ensuite établi ma ligne de conduite en tant que manager ». Une ligne de conduite fondée sur un sens du collectif et sur une métaphore sportive chère au cœur d’Actinuum.

  

Regards Croisés avec Gwénaël Rigolé

Dans votre ouvrage, vous établissez un lien direct entre discipline et équipe de haute performance. Une discipline qui s’applique principalement au manager. Le manager doit-il être plus exigeant envers lui-même qu’avec ses équipes ? 

GM : Dans l’ensemble, nous sommes trop focalisés sur l’individu. L’atome, c’est l’équipe. L’équipe est une armée pacifique et le rôle du manager consiste à catalyser les énergies de cette armée pour générer de la performance collective. Pour y parvenir, de nombreux managers se montrent très exigeants. Ce faisant, ils projettent une ombre qui peut créer une distorsion entre ce que l’on croit être et ce qu’en perçoivent les équipes. Ce hiatus est une brèche dans la cohésion de l’équipe car le manager peut ne plus être aligné entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. La discipline du manager, c’est être cohérent avec ce que l’on dit. C’est aussi une exigence permanente que l’on s’applique. J’en veux pour exemple cette anecdote. Au sein des All Blacks, la meilleure équipe de rugby au monde, tous les joueurs nettoient les vestiaires et les douches après chaque entraînement. La discipline, c’est aussi un moyen de toujours préserver son humilité. L’humilité est indispensable au manager car elle lui permet de rester toujours au service du collectif, bien avant ses intérêts personnels. 

GR : C’est un impératif pour l’ensemble des entreprises et pour chaque manager ! Le projet collectif doit revêtir un intérêt supérieur aux enjeux individuels. L’acceptation de l’effort au service de cet enjeu est essentielle. Or, c’est bien le manager qui s’avère être le garant de ce cadre en créant les conditions de la motivation de ses équipes. La posture à adopter, c’est la co-construction, avec les membres de l’équipe de la meilleure stratégie en vue d’atteindre les objectifs fixés. Pour cela, il convient de révéler, exploiter et valoriser les qualités individuelles au service de la réussite collective et non l’inverse. L’exemplarité, la réciprocité, l’esprit d’entraide et le respect réciproque en dehors de toute hiérarchie, sont des éléments primordiaux à réunir.

La notion d’exemplarité est régulièrement évoquée dans votre ouvrage. Quelle en est votre définition ? 

GM : A mes yeux, l’exemplarité est fondamentale. Dans un monde complexe, qui nous envoie en collision les uns avec les autres, le manager doit savoir se montrer exigeant car il n’y a pas de performance durable sans engagement et sans intensité. Le prix de cette exigence, c’est l’exemplarité car un bon manager doit être capable d’incarner ce qu’il affirme. Il ne peut pas seulement exiger. Il doit montrer l’exemple. En tant que dirigeant d’entreprise, lorsque je visite un de nos sites de production, je porte mes équipements individuels de protection. En tant que dirigeant, je pourrais me dire que je peux m’en dispenser. Mais non, justement. Je ne le peux pas, par souci d’exemplarité. L’exemplarité, c’est avoir une conscience permanente de l’image que l’on projette en tant que manager. Cela crée une tension positive qui pousse le manager à toujours donner le meilleur de lui-même. L’exemplarité, c’est aussi un premier pas vers l’excellence.

GR : Chez Actinuum, nous avons à cœur de véhiculer, dans chacune de nos formations, cette notion essentielle qu’est l’exemplarité. L’exemplarité passe d’abord par cette volonté de se positionner au cœur de l’équipe, non pour en être le centre de gravité, mais plutôt pour disposer d’une vision à 360° du collectif, de son action et de ses besoins. Incarner et produire les efforts, montrer la voie, être au contact pour comprendre et décider, telle est la recette de l’exemplarité qui se construit, s’entretient et s’amplifie en s’appliquant à soi-même une discipline forte. En cela, le management repose sur une vision militaire du leadership. Le manager n’est ni en première ligne pour manquer de recul dans ces analyses ou encore pour éviter de déresponsabiliser et risquer de desservir son groupe ; ni à l’arrière car il protège, oriente et supporte l’équipe, sans jamais s’abriter derrière elle. Le manager est, bel et bien, au coeur de la mêlée ! L’exemplarité est une valeur autant qu’une posture qui suppose un engagement permanent du manager au service de son équipe. 

Pour poursuivre l’analogie avec le sport, vous décrivez la dualité qui existe entre l’esprit d’équipe et la performance individuelle. Quels leviers faut-il actionner pour les faire avancer de concert ? 

GM : Je pense que dans les critères d’évaluation de la performance, il doit y avoir deux dimensions. La première est liée à la performance individuelle. Mais, comme dans la pratique sportive, on ne peut rien accomplir seul. Un commercial a besoin du bureau d’étude, de la production, de la logistique. Il n’est qu’un poste avancé de tout un écosystème. Sa performance individuelle sera donc évaluée par rapport à ses objectifs de vente, de conquête de marché. Mais elle ne peut être décorrélée de la deuxième dimension : la manière dont il a interagi avec le reste de l’écosystème pour atteindre cette performance. Les entreprises ne peuvent plus se permettre d’avoir des Eric Cantona dans leurs équipes, quel que soit leur talent, leur génie individuel. Chaque collaborateur a le droit d’être qui il est. Mais ce qu’il est doit nécessairement servir le collectif. 

GR : Chacun est un maillon de la chaîne de valeur de l’entreprise. La performance des uns dépend de l’engagement des autres. Sans commercial pas de client, sans marketing pas de leads, sans innovation pas d’offres, sans services support pas de capacité à délivrer, etc. Chacun joue un rôle spécifique qui permet aux autres d’exprimer leurs propres talents. Ce sont ces interdépendances continues qui font la force d’un collectif. Le rôle du manager ne se limite pas à orchestrer ces interdépendances, mais à les révéler. Lorsque chacun à conscience de l’autre dans l’entreprise, un esprit de responsabilité collective émerge, comme dans les équipes sportives !

 

 

ManagementAgile

 

 

Soutenabilité, Performance, Appropriation, Reconnaissance, Talent. Jusqu’où le manager peut-il pousser la métaphore sportive dans son action au quotidien ? 

GM : Je ne suis pas certain qu’il y ait une limite. Le sport a mis très longtemps à se professionnaliser. Le rugby ne s’est engagé sur cette voie que depuis la fin des années 80.  Mais, la vitesse à laquelle le monde du sport s’est approprié les techniques de management de la performance collective, a été fulgurante. Au point que le sport est désormais très en avance sur le management et que c’est le monde du sport qui aujourd’hui nourrit le management. Nous avons encore tant à apprendre du sport collectif. 

GR : Comme c’est le cas presque systématiquement, la limite n’est généralement pas physique. Elle est plutôt mentale. Une fois encore, le manager est une pièce maîtresse sur l’échiquier de la réussite car il contribue, par son action, à éradiquer les barrières inhibantes et permet au collectif d’oser. Or, pour oser, il faut nourrir chaque membre de l’équipe de nouvelles compétences, d’expériences et de réussites.

Et, comme dans le sport, avant de gagner, il faut s’entraîner !

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